World Tricot, une réussite tissée sur l'engagement social

LURE (Haute-Saône), 28 nov (AFP) - En quinze ans, une petite association d'aide aux femmes sans emploi de Lure (Haute-Saône) est devenue World Tricot, entreprise d'une quarantaine de personnes, rare spécialiste français de la maille de luxe pour les grands noms de la mode, conjuguant insertion, compétence et rentabilité.

Chanel, Dior, Kenzo, Adam Jones, Jean-Paul Gaultier, Lacroix, Givenchy... tous les représentants du monde de la haute-couture pour lesquels travaille World Tricot ont fait le déplacement vendredi jusqu'à la petite sous-préfecture haut-saônoise pour l'inauguration du nouveau siège de l'entreprise, un bâtiment de 1500 m2.

Il est loin le temps --la fin des années 80-- où l'association démarrait son activité grâce à un chèque de 20.000 francs (environ 3.000 EUR) de la fondation Abbé Pierre, dans une HLM de Lure louée à des conditions avantageuses.

Carmen Colle, aujourd'hui dirigeante de l'entreprise, était alors animatrice de quartier, frustrée de voir des femmes, souvent d'origine étrangère, ne pas trouver d'emploi.

"Je me suis dit pourquoi ne pas créer nos emplois nous-même ? L'idée du tricot est venue d'une amie qui trouvait très pauvre la production française en la matière", explique celle qui n'avait pas prévu que "l'aventure prendrait de telles dimensions.

Car au départ ni Carmen Colle, ni aucune des membres de l'association, qui regroupe jusqu'à onze nationalités différentes, n'a la moindre idée du fonctionnement de la machine à tricoter acquise avec les deniers de la subvention.

Les premières années sont celles d'un apprentissage intense.

"Ce n'était pas facile, il a fallu mettre les femmes au travail, leur apprendre à respecter des horaires, rassurer les maris qui ne comprenaient pas pourquoi tant de travail, alors que nous ne gagnions pas encore d'argent", se souvient Carmen Colle.

Les premiers clients obligent les femmes à se surpasser... ou à s'adapter: "une fois, on s'était engagées à faire une présentation de pulls mais, panique, on ne savait pas faire les manches. On a alors présenté des pulls sans manche et on est reparties avec une commande de débardeurs !"

Rapidement, l'association fait le pari de travailler pour le haut de gamme. La technique venant, le monde de la haute-couture s'intéresse à cette maille originale, travaillée entièrement à la main, se parant, selon la fantaisie, de soie, de dentelle, de perles, de paillettes.

"Jamais je n'ai mis en avant notre vocation sociale pour démarcher les couturiers. Il fallait qu'on nous choisisse pour la qualité de nos mailles", souligne Carmen Colle.

En 1990, World Tricot devient une SARL qui emploie ses premiers salariés et Carmen Colle, une chef d'entreprise: "une transition pas évidente à gérer, la découverte d'une autre monde", avoue-t-elle.

En treize ans, des dizaines d'emploi seront créés, essentiellement à destination des femmes en difficulté que l'entreprise prend le temps de former, en plusieurs mois, à toutes les facettes d'un tricotage de pointe. La moitié d'entre elles ont la possibilité de travailler à domicile.

"Le nom de World Tricot a été choisi pour symboliser le creuset de nationalités qui avait formé l'association", rappelle Carmen Colle. Aujourd'hui elle parcourt le monde à la recherche d'idées et de nouveaux marchés.par Sophie MAKRIS